Chez Assimil nous aimons beaucoup le cinéma et les comédiens polyglottes. A la dernière Mostra de Venise, nous avons pu rencontrer Séverine Vasselin, une jeune comédienne et activiste pro-environnement pour laquelle les langues sont capitales, et pas seulement dans le cadre de sa carrière. Cela nous a donné envie d’en savoir davantage sur elle, ses combats et son apprentissage des langues étrangères.

Assimil : Séverine, une question rituelle pour commencer. Combien de langues parlez/maitrisez-vous ?
Séverine Vasselin : Je parle couramment l’anglais, le français et l’allemand, je comprends très bien l’espagnol et j’améliore mon italien.

A. : Les langues ont été une passion précoce chez vous ?
S.V. : La toute première langue différente que j’ai cotoyé, c’est le patois cauchois que parlait mes grands-parents et que mon parrain était si fier de maîtriser. Il a bercé mes oreilles de petite fille et je le comprends. J’aimais ces sonorités terriennes, authentiques, sa musicalité un peu désuête, comme le québécois. J’ai surtout vite compris le pouvoir d’inclusion d’une langue : je pouvais à la fois passer des journées à lire à la bibliothèque, et comprendre ce que baragouinait mes arrières grands-mères et tantes, ce qui n’était pas forcément le cas des autres enfants. Je l’ai ressenti comme un privilège, une opportunité de rester proches de ces locuteurs différents, un sésame.
Les langues étrangères sont effectivement devenues une réelle passion pour moi vers 10 ans lorsque j’ai commencé à étudier l’allemand et à voyager. Je n’ai jamais cessé d’explorer depuis.

A. : Quand avez-vous décidé de devenir actrice ? Est-ce qu’il y a eu une déclic ?
S.V. : Il s’agit plutôt d’un cheminement. J’y vois des traits communs avec mon intérêt pour les langues : la curiosité, le mimétisme, l’empathie, la fascination pour les personnages et l’adaptation du caméléon. Plonger dans une langue, c’est se fondre dans la peau de quelqu’un et adopter son système de référence, ses filtres, sa « physicalité ». J’ai toujours trouvé cela extrêmement ludique.

A. : Quels sont vos films et vos comédiens/comédiennes préféré/es ?
S. V. : Les films de Jarmush, Sautet, Wilder…Les films cultes type Tontons Flingueurs et autres sagas épiques pleines de gangsters, Dogma 95… Mon passé de germaniste et d’Européenne fait que j’ai toujours eu un intérêt particulier pour les intrigues liées à l’histoire du XXe. Le Pianiste de Polanski, The Reader adapté de Der Vorleser par Stephen Daldry ou Son of Saul de Laszlo Nemes, Phoenix ou Die Welle sont des films qui m’ont profondément marquée. In the Name of the Father également.

Mes acteurs préférés ? D’abord les gueules, les atypiques: Gabin, Ventura, Michael Shannon, Adam Driver, Jack Nicholson, Frances Mc Dormand, Ben Mendelsson, et l’incroyable, unique et intemporel Tom Waits. Ensuite les caméléons, ceux qui m’inspirent: Jake Gyllenhall, Mads Mikkelsen, Kate Blanchett, Romy Schneider. Mais je pourrais passer des heures à répondre à cette question!

A. : Est-ce que des acteurs bilingues ou polyglottes comme Jeanne Moreau, Orson Welles ou Christopher Lee vous fascinait autrefois ?
S.V. : Pas du tout, en tout cas pas pour leur compétence linguistique.

A : Est-ce que les langues ont joué un rôle (sans jeu de mots) dans votre décision de devenir actrice ?
S.V. : Non, même si j’ai toujours perçu comme un jeu d’utiliser une langue étrangère. En revanche, elles ont façonné le type d’actrice que je souhaite devenir, ainsi que certains choix et lieux de vie.

A : Vous avez fait le choix de vous expatrier à Londres. Pourquoi ?
S.V. : Je me suis expatriée pour des raisons professionnelles, avec l’envie de donner une véritable dimension internationale à ma carrière d’actrice et de jouer dans différentes langues. Londres est la ville cosmopolite par excellence (so far).

A : Votre CV est assez éclectique et présente des films de cinéma et des productions TV. En quoi votre multilinguisme vous a-t-il aidé et est-ce que vous parlez différentes langues dans ces productions ?
S.V. : Mes aptitudes en langues et accents m’ont permis de répondre à certains besoins spécifiques de Directeurs de casting. Cela dit on choisit un artiste pour une combinaison de raisons de tout ordre – pas seulement une somme de compétences. Le développement des co-productions internationales devraient continuer à étendre le champ de mes possibles cela dit.

A : Parlez-nous de votre seconde casquette d’activiste environnementale et de défenseuse des milieux aquatiques.
S. V. : J’adore la mer, la voile, être au bord de l’eau en général. Je suis obsédée par certaines questions liées aux paradoxes de la psychologie humaine : comment l’homme en arrive t’il à empoisonner…l’air qu’il respire ? l’eau qu’il boit ? et donc obsédée par le désir de trouver synthèse à ces contradictions. Créer une association, être dans l’action, c’est quelque chose qui s’est imposée à moi assez naturellement il y a 4 ans. J’ai crée Watertrek afin de protéger les écosystemes aquatiques et proposer des programmes d’éducation environnementale dans les domaines des pollutions plastiques, du réchauffement climatique et de la qualité de l’eau, en essayant de proposer des approches innovantes. Watertrek m’offre un cadre à l’intérieur duquel j’explore de nouvelles manières d’amener mes contemporains à repenser leur rapport à l’écologie et à la nature. C’est aussi une aventure humaine extraordinaire, avec des volontaires de tout horizon, un bonheur immense de rassembler des personnalités si riches autour de ma vision.

A : En quoi cette activité complète votre métier d’actrice ? est-ce qu’on peut concilier les deux ?
S. V. : Ces 2 activités se nourrissent l’une l’autre. J’apporte à ma démarche environnementale ma créativité, mon expertise de l’image et du storytelling et je compte poursuivre ce travail créatif lié à comment créer de l’impact.


Watertrek me permet par ailleurs de me reconnecter à l’eau – c’est tout son objet – à la nature, et à la réalité de la vie de nos communautés, par le biais des relations, projets et partenariats que je mets en place. Chaque rencontre, chaque voyage est une nouvelle histoire, la découverte d’un nouvel univers, d’un milieu social, et donc une source intarissable d’observation. Etre acteur, c’est avoir avant tout une insatiable curiosité des autres et de l’ailleurs. Je fais partie de ces gens qui peuvent rester des heures à la terrasse d’une gare voir des vies et des histoires défiler… Watertrek, c’est mon ancrage dans la vraie vie !
Enfin, je compte bien créer des ponts entre ces 2 univers en invitant notamment mes collègues acteurs à se mobiliser pour protéger nos océans, et en développant des fictions qui intégreraient un fort composant environnement. Dans les 2 cas, il s’agit avant tout de créer du sens, du lien et d’agir.

A : Quels sont les réalisateurs/trices avec qui vous aimeriez tourner ?
S. V. : A nouveau une question fleuve ! Denis Villeneuve, Jacques Audiard, Jean-marc Vallée, Samuel Benchetritt, Dennis Gansel, Tobias Lindholm, Arnaud des Pallières, Susanne Bier, Zabou Breitman, Christian Petzhold, Tom Ford…et pourquoi Maitre Scorcese tiens !

A : Quelle est la prochaine langue que vous ayez envie d’apprendre ?
Il italiano certo !

Séverine sur IMDB : http://www.imdb.com/name/nm4051711/
Séverine sur Twitter : @ActressLala
http://www.watertrek.org/