L’Atelier de conversation, film documentaire de Bernhard Braunstein sorti ce mercredi 7 février en salle, nous plonge dans les dialogues d’apprenants étrangers qui cherchent à progresser en français.

« L’ATELIER » – lettres blanches étalées sur une paroi de verre, derrière laquelle un cercle de chaises en plastique accueille un petit groupe : nous sommes au Centre Pompidou, dans la Bibliothèque Publique d’Information (BPI), où sont animés chaque semaine des ateliers de conversation.

Une autre manière d’apprendre la langue

Ici, le français devient espace de rencontre, un temps pour dire sa solitude, sa colère et ses blessures, la langue seconde comme effort vers l’autre – un effort mutuel car aucun d’eux, étudiant, réfugié ou de passage, n’est locuteur natif de cette langue (sinon l’animateur) et c’est ce qui fait la particularité de ces moments : Bernhard Braunstein filme avant tout les visages qui s’écoutent, l’attention qu’ils se portent, les regards qui hésitent.
Ils sont inter-locuteurs : entre leurs mots aux accents différents s’échappent des morceaux de leurs histoires, qui trouvent un écho dans celles des autres – qu’est-ce qui vous manque ? qu’est-ce que l’amour ? en quoi les hommes sont différents des femmes ? qu’est-ce que la crise ? Autant de prétextes au dialogue, parfois difficile, qui suscite désaccords et interrogations et c’est justement là, lorsque, et sans doute parce qu’est mise en mots cette incompréhension, que naissent des paroles d’apaisement ou que surgissent une anecdote, un éclat de rire. Drôle, juste et touchante, cette plongée au cœur de leurs échanges nous éloigne de la langue affectée de tous les jours : les écouter, les regarder s’écouter et se laisser le temps de s’exprimer dans une langue qu’ils ne maîtrisent pas, pousse à s’interroger sur son propre rapport à ces mots qu’on déverse sans y penser.

« Un monde dans une petite pièce »

À l’origine, un même sentiment d’isolement face à la langue du pays d’accueil les regroupe : avant de réaliser ce film, Bernhard Braunstein en a fait l’expérience et a d’abord été simple participant.
Il écrit :  «  J‘étais subjugué par la cacophonie et la mosaïque multiculturelle de la métropole. […] À l‘euphorie succédait la désillusion. La langue constituait un obstacle énorme. […] Même après six mois de séjour dans cette ville, j‘étais toujours seul et incapable de prononcer un mot.  » (voir  sa note d’intention )

Des débats sont organisés à la fin de certaines projections, parfois par des protagonistes du film  : l’un d’entre eux, Rommel, expliquait ainsi qu’il était stupéfait de trouver «  tout un monde dans une si petite pièce  », tandis qu’en sortant de l’atelier il retrouvait la foule, et son lot d’indifférence.

 

La fiche du film
Les  ateliers de la BPI

 

Laure Gamaury